Rencontre avec le président de l'Ordre National des Avocats de Tunisie
Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats de Tunisie et porte-parole du dialogue national, Mohamed Fadhel Mahfoudh commente le rôle des avocats dans la transition politique du pays et ses projets pour l’Ordre.
Quel rôle jouez-vous dans l’actuel dialogue national ? Va-t-il aboutir ?
" En ce moment, nous continuons à jouer notre rôle, c’est-à-dire de bâtir ce nouveau régime démocratique auquel nous inspirons. L’Ordre été très influent lors de la Révolution, nous avons été une force motrice. Le nouveau régime passe par une transition démocratique. Cette transition soulève des difficultés ce qui est normal.
Nous espérons avec le dialogue national qui est engagé aujourd’hui trouver une issue honorable pour tout le monde pour que nous passions définitivement à un régime stable démocratique.
L’Ordre National des Avocats a une place assez en avant, en quelque sorte, avec nos partenaires les syndicats. Nous avons beaucoup de crédibilité auprès de la classe politique car nous n’avons pas d’intentions politiciennes. Notre seul souci est de trouver une issue à la crise et d’installer définitivement un régime démocratique où sont assurés l’alternance et un respect mutuel de toutes les franges politiques.
Pensez-vous que l’issue démocratique peut se faire avec les islamistes au pouvoir ?
Oui pourquoi pas. C’est à eux de se décider. Ce n’est pas à la société civile de décider à leur place. Je pense qu’ils se sont engagés dans une logique de démocratisation avec bien entendu une idéologie islamiste. Mais l’islam n’est pas incompatible avec la démocratie, pas du tout. L’islam n’est pas l’islamisme.
Comment peut-on lutter pour l’indépendance de la profession tout en prenant activement part au dialogue national politique ?
C’est tout à fait normal et légitime. Au contraire c’est à l’honneur de la société civile, qui trouve que la classe politique peine à trouver le chemin vers la démocratie. C’est le rôle de la société civile, dont le barreau de Tunis fait partie, essentiel à mon avis, d’aider à cette issue.
Le Barreau a toujours été sur le devant de la scène : progressiste et militant contre la colonisation, contre le despotisme etc. A chaque fois que le peuple tunisien a demandé aux avocats d’être là, nous avons répondus présents et c’est un honneur. Cela ne touche aucunement l’indépendance du Barreau tunisien. L’Ordre National des Avocats de Tunisie est membre d’aucun partis politiques. Je parle du barreau en tant qu’instance. Bien sûr il y a des avocats militants auprès des partis. Mais le Conseil de l’Ordre en tant que tel agit en toute indépendance sans favoriser qui que ce soit. Le seul souci est d’instaurer un régime démocratique et de ne pas revoir le despotisme sous quelques formes que ce soit.
Comment le Barreau pouvait être indépendant sous l’administration Ben Ali ?
Le Barreau a souffert des tentatives de main mise de l’ancien régime. Des avocats ont été torturés, emprisonnés, maltraités, ont fait l’objet de vérifications arbitraires sans fondements juridiques réels.
Les avocats ont toujours milité contre ce despotisme et ont clamé haut et fort la démocratie, la liberté, l’indépendance de la justice, les droits de l’homme etc. Cela se concrétisait essentiellement lors de leurs plaidoiries. Nous l’avons payés très chers au niveau des personnes mais aussi du point de vu des intérêts du métier. Il y a eu, comme vous le savez sans doute, une vingtaine de lois votées contre la profession.
Ces lois ont-elles, depuis, été abrogées ?
Elles n’ont pas été revues et corrigées jusqu’à aujourd’hui mais nous espérons que cela sera bientôt le cas. Nous nous adressons actuellement au pouvoir en place, c’est-à-dire l’assemblée constituante et le chef du gouvernement, pour que le Barreau aient des lois qui régissent non seulement le métier mais aussi les libertés des citoyens. Par exemple, nous réclamons que les droits de la défense soient mentionnés dans la constitution, qu’il y ait une présence de l’avocat dès le début de la garde à vue. Nous militons dans ce sens et j’espère que nous attendrons notre but d’ici quelques semaines.
Que se passera-t-il si le gouvernement ne répond pas favorablement à vos demandes ?
A l’Ordre National des Avocats de Tunisie nous avons une tradition installée par nos prédécesseurs : nous formulons nos demandes, nous donnons le temps nécessaire aux autorités pour les prendre en considération et en cas de refus nous procédons au militantisme syndical (port du brassard rouge, grèves, sitting etc.)
Si nous n’obtenons pas de réponses dans les semaines à venir, nous passerons à cette étape.
Les avocats continuent-ils à être cibles sous l’administration actuelle ?
Avec cette transition politique, nous ne savons plus qui fait quoi en quelque sorte. Il y a eu des atteintes aux droits de la défense, mais aussi sur la personne des certains avocats, particulièrement cet été. Nous avons essayé à chaque fois d’obtenir des excuses de la part des autorités en cause. J’espère que maintenant, avec la crédibilité acquise par le Barreau, les agressions vont être évitées. Les relations entre les autorités et les avocats s’améliorent. Et de toute façon nous ne resterons pas muets face une agression éventuelle.
Vous avez élu en juin dernier, quels sont vos objectifs pour ce mandat de bâtonnier ?
D’abord défendre les intérêts de la profession essentiellement :
- réformer les lois qui ont porté atteinte à la profession ;
- œuvrer pour qu’ils y aient des lois dans le sens des libertés publiques, des droits de la défense, qui défendent l’intérêt de l’avocat, de la victime et du prévenu. C’est essentiel.
Ensuite, la situation matérielle des avocats laisse à désirer, je ne dirais pas qu’elle est lamentable mais vous comprenez ce que je veux dire. J’ai promis de défendre les intérêts économiques de la profession. Quelques mesures sociales aussi devront faire l’objet de réformes : par exemple augmenter le montant de l’aide juridictionnelle et de l’indemnité de commission d’office.
Nous allons essayer aussi de défendre leurs droits à la formation. Il est grand temps que les avocats tunisiens ne se limitent plus aux diplômes qu’ils reçoivent des universités ou de l’Institut Supérieur des Avocats. Ils doivent avoir une formation en continue. Ils doivent se spécialiser et se regrouper dans des sociétés comme c’est le cas dans d’autres pays. Nous allons œuvrer dans ce sens et cela touchera tous les avocats même ceux qui ont vingt ans de métier car il n’est pas normal qu’un avocat puisse traiter des affaires sans être à jour dans sa matière.
Enfin, dernier point et pas des moindres : s’occuper essentiellement de la vie politique et non politicienne, je précise bien. La vie politique consiste, j’insiste, à aider le peuple tunisien à mener à bien sa transition démocratique, à passer définitivement au régime politique démocratique auquel nous inspirons tous.
Tous ces objectifs vont de paires, l’un sera pas réaliser au dépend de l’autre. L’ensemble de ces demandes, seront engagés auprès des autorités, quelques soient les autorités, cela ne me concerne pas.
Quels sont les principaux obstacles dans ce dialogue national vers la démocratie ?
Il faut engager une réforme pour tout le système judiciaire. Je pense que le système judiciaire souffre de quelques textes de lois mais aussi de la pratique. De mauvaises habitudes prises ont entaché la pratique judiciaire ces dernières années.
Personnellement, je pense qu’il faut engager une réforme de fonds en ce qui concerne :
- l’indépendance de la justice ;
- la relation des avocats et de tous les intervenants avec le système judiciaire
C’est une réforme de longue haleine que nous devons faire en concertation et qui demande aussi des fonds. Malheureusement d’après mes connaissances au Ministère de la Justice il n’y a pas de plan véritable pour engager une telle réforme.
J’espère qu’ils vont prendre conscience de la nécessité de réformer le système de fonds en comble. Nous avons une panoplie de lois qui peuvent être l’ossature du système judiciaire c’est vrai, c’est tout à l’honneur de la justice tunisienne, mais nous sommes en 2013 nous devons engager des reformes ! "
Quel rôle jouez-vous dans l’actuel dialogue national ? Va-t-il aboutir ?
" En ce moment, nous continuons à jouer notre rôle, c’est-à-dire de bâtir ce nouveau régime démocratique auquel nous inspirons. L’Ordre été très influent lors de la Révolution, nous avons été une force motrice. Le nouveau régime passe par une transition démocratique. Cette transition soulève des difficultés ce qui est normal.
Nous espérons avec le dialogue national qui est engagé aujourd’hui trouver une issue honorable pour tout le monde pour que nous passions définitivement à un régime stable démocratique.
L’Ordre National des Avocats a une place assez en avant, en quelque sorte, avec nos partenaires les syndicats. Nous avons beaucoup de crédibilité auprès de la classe politique car nous n’avons pas d’intentions politiciennes. Notre seul souci est de trouver une issue à la crise et d’installer définitivement un régime démocratique où sont assurés l’alternance et un respect mutuel de toutes les franges politiques.
Pensez-vous que l’issue démocratique peut se faire avec les islamistes au pouvoir ?
Oui pourquoi pas. C’est à eux de se décider. Ce n’est pas à la société civile de décider à leur place. Je pense qu’ils se sont engagés dans une logique de démocratisation avec bien entendu une idéologie islamiste. Mais l’islam n’est pas incompatible avec la démocratie, pas du tout. L’islam n’est pas l’islamisme.
Comment peut-on lutter pour l’indépendance de la profession tout en prenant activement part au dialogue national politique ?
C’est tout à fait normal et légitime. Au contraire c’est à l’honneur de la société civile, qui trouve que la classe politique peine à trouver le chemin vers la démocratie. C’est le rôle de la société civile, dont le barreau de Tunis fait partie, essentiel à mon avis, d’aider à cette issue.
Le Barreau a toujours été sur le devant de la scène : progressiste et militant contre la colonisation, contre le despotisme etc. A chaque fois que le peuple tunisien a demandé aux avocats d’être là, nous avons répondus présents et c’est un honneur. Cela ne touche aucunement l’indépendance du Barreau tunisien. L’Ordre National des Avocats de Tunisie est membre d’aucun partis politiques. Je parle du barreau en tant qu’instance. Bien sûr il y a des avocats militants auprès des partis. Mais le Conseil de l’Ordre en tant que tel agit en toute indépendance sans favoriser qui que ce soit. Le seul souci est d’instaurer un régime démocratique et de ne pas revoir le despotisme sous quelques formes que ce soit.
Comment le Barreau pouvait être indépendant sous l’administration Ben Ali ?
Le Barreau a souffert des tentatives de main mise de l’ancien régime. Des avocats ont été torturés, emprisonnés, maltraités, ont fait l’objet de vérifications arbitraires sans fondements juridiques réels.
Les avocats ont toujours milité contre ce despotisme et ont clamé haut et fort la démocratie, la liberté, l’indépendance de la justice, les droits de l’homme etc. Cela se concrétisait essentiellement lors de leurs plaidoiries. Nous l’avons payés très chers au niveau des personnes mais aussi du point de vu des intérêts du métier. Il y a eu, comme vous le savez sans doute, une vingtaine de lois votées contre la profession.
Ces lois ont-elles, depuis, été abrogées ?
Elles n’ont pas été revues et corrigées jusqu’à aujourd’hui mais nous espérons que cela sera bientôt le cas. Nous nous adressons actuellement au pouvoir en place, c’est-à-dire l’assemblée constituante et le chef du gouvernement, pour que le Barreau aient des lois qui régissent non seulement le métier mais aussi les libertés des citoyens. Par exemple, nous réclamons que les droits de la défense soient mentionnés dans la constitution, qu’il y ait une présence de l’avocat dès le début de la garde à vue. Nous militons dans ce sens et j’espère que nous attendrons notre but d’ici quelques semaines.
Que se passera-t-il si le gouvernement ne répond pas favorablement à vos demandes ?
A l’Ordre National des Avocats de Tunisie nous avons une tradition installée par nos prédécesseurs : nous formulons nos demandes, nous donnons le temps nécessaire aux autorités pour les prendre en considération et en cas de refus nous procédons au militantisme syndical (port du brassard rouge, grèves, sitting etc.)
Si nous n’obtenons pas de réponses dans les semaines à venir, nous passerons à cette étape.
Les avocats continuent-ils à être cibles sous l’administration actuelle ?
Avec cette transition politique, nous ne savons plus qui fait quoi en quelque sorte. Il y a eu des atteintes aux droits de la défense, mais aussi sur la personne des certains avocats, particulièrement cet été. Nous avons essayé à chaque fois d’obtenir des excuses de la part des autorités en cause. J’espère que maintenant, avec la crédibilité acquise par le Barreau, les agressions vont être évitées. Les relations entre les autorités et les avocats s’améliorent. Et de toute façon nous ne resterons pas muets face une agression éventuelle.
Vous avez élu en juin dernier, quels sont vos objectifs pour ce mandat de bâtonnier ?
D’abord défendre les intérêts de la profession essentiellement :
- réformer les lois qui ont porté atteinte à la profession ;
- œuvrer pour qu’ils y aient des lois dans le sens des libertés publiques, des droits de la défense, qui défendent l’intérêt de l’avocat, de la victime et du prévenu. C’est essentiel.
Ensuite, la situation matérielle des avocats laisse à désirer, je ne dirais pas qu’elle est lamentable mais vous comprenez ce que je veux dire. J’ai promis de défendre les intérêts économiques de la profession. Quelques mesures sociales aussi devront faire l’objet de réformes : par exemple augmenter le montant de l’aide juridictionnelle et de l’indemnité de commission d’office.
Nous allons essayer aussi de défendre leurs droits à la formation. Il est grand temps que les avocats tunisiens ne se limitent plus aux diplômes qu’ils reçoivent des universités ou de l’Institut Supérieur des Avocats. Ils doivent avoir une formation en continue. Ils doivent se spécialiser et se regrouper dans des sociétés comme c’est le cas dans d’autres pays. Nous allons œuvrer dans ce sens et cela touchera tous les avocats même ceux qui ont vingt ans de métier car il n’est pas normal qu’un avocat puisse traiter des affaires sans être à jour dans sa matière.
Enfin, dernier point et pas des moindres : s’occuper essentiellement de la vie politique et non politicienne, je précise bien. La vie politique consiste, j’insiste, à aider le peuple tunisien à mener à bien sa transition démocratique, à passer définitivement au régime politique démocratique auquel nous inspirons tous.
Tous ces objectifs vont de paires, l’un sera pas réaliser au dépend de l’autre. L’ensemble de ces demandes, seront engagés auprès des autorités, quelques soient les autorités, cela ne me concerne pas.
Quels sont les principaux obstacles dans ce dialogue national vers la démocratie ?
Il faut engager une réforme pour tout le système judiciaire. Je pense que le système judiciaire souffre de quelques textes de lois mais aussi de la pratique. De mauvaises habitudes prises ont entaché la pratique judiciaire ces dernières années.
Personnellement, je pense qu’il faut engager une réforme de fonds en ce qui concerne :
- l’indépendance de la justice ;
- la relation des avocats et de tous les intervenants avec le système judiciaire
C’est une réforme de longue haleine que nous devons faire en concertation et qui demande aussi des fonds. Malheureusement d’après mes connaissances au Ministère de la Justice il n’y a pas de plan véritable pour engager une telle réforme.
J’espère qu’ils vont prendre conscience de la nécessité de réformer le système de fonds en comble. Nous avons une panoplie de lois qui peuvent être l’ossature du système judiciaire c’est vrai, c’est tout à l’honneur de la justice tunisienne, mais nous sommes en 2013 nous devons engager des reformes ! "