De quelles libertés dispose un "foreign lawyer " en Chine ?
De quelles libertés disposent un « foreign lawyer » en Chine ? Quelle est la réalité de la pratique d’avocat d’affaires ? Un avocat d’affaires français exerçant depuis plusieurs années dans l’empire du milieu, a accepté de témoigner.
Vous avez exercé votre profession d’avocat en France et en Chine. Quelles différences avez-vous remarquées dans votre pratique ?
" En Chine, tout se pose différemment. La pratique est forcément différente. Le droit chinois est un droit jeune qui ne reste pas très sophistiqué. Et l’intérêt d’exercer ce métier en Chine, c’est que le droit est une construction récente dans la tradition chinoise. En tant qu’avocat étranger nous suivons donc l’évolution du droit finalement au même rythme que nos confrères chinois.
En tant qu’avocat d’affaires en Chine, nos conseils reposent beaucoup, en dehors de notre connaissance du marché, sur une espèce de sentiment par rapport à tel problème ou à telle situation. Nous passons finalement beaucoup de temps à réfléchir à la structuration d’investissements dans des secteurs qui ne sont pas assez segmentés. A nous de faire preuve de souplesse et d’« imagination » juridique qui s’expliquent par l’écart manifeste entre le droit écrit, la réglementation et puis la pratique. Certaines pratiques sont tolérées par les autorités alors qu’elles contreviennent à des réglementations existantes. D’autres réglementations, plus anciennes, n’ont jamais été rapportés et ne sont pas non plus appliquées, mais les autorités laissent faire pour regarder comme cela se passe.
Existe-t-il une réelle profession d’avocats d’affaires en Chine ?
Beaucoup d’avocats locaux sont sans beaucoup d’illusions sur le système juridique chinois, puisque nous sommes dans une dictature avec un gouvernement qui dit que l’état de droit existe déjà en Chine. En réalité non. Nous restons dans un pays dirigé par un parti unique et qui n’a pas encore mis en place les conditions de l’état de droit, c'est-à-dire que le parti n’a pas l’intention de lâcher son emprise notamment sur le système judiciaire. Il n’y a donc pas d’Etat de droit au sens où on l’entend. Nous remarquons ces dernières années, en Chine, des problématiques liées à une urbanisation galopante, un développement très rapide. Tout cela donne lieu à des tensions et le système judiciaire est rarement capable de les calmer car elles sont inévitables dans un pays qui se développe rapidement. Le système judiciaire n’est, néanmoins, pas assez indépendant et efficace pour calmer ces tensions.
Est-ce que pour autant il n’y a pas de progrès ? Cela c’est une autre question. Il y a eu énormément de progrès mais je pense qu’on arrive un peu aux limites de la souplesse permise par ce système politique.
La profession d’avocat attire de plus en plus car c’est socialement un bon métier assez rémunérateur. Cependant, cela reste une profession d’avocat d’affaires, car ils se refuseront à prendre des dossiers soient non rémunérateurs (tout ce qui est civil et pénal) ou soient qui pourraient entraîner des problèmes pour eux
Dès que les affaires deviennent un peu sensibles, cela peu devenir délicat pour un avocat de prendre le dossier. Ce qui fait qu’il y a une segmentation qui s’est faite avec des avocats individuels ou qui exercent dans des cabinets de tailles petites ou moyennes qui s’occupent d’affaires commerciales, civiles ; des cabinets chinois qui n’interviennent que dans le droit des affaires pour une clientèle d’entreprises chinoises ou étrangères qui ne touchent pas au reste ; et puis il y a un tout petit segment « les avocats défenseurs des droits » qui prennent des risques mais il y en qu’une poignée. Ces derniers ont envie de faire bouger les lignes de tester le système au maximum.
Pouvez-vous exercer votre métier en dehors de la corruption ?
En tant qu’avocat étranger, oui sans aucun problème. La Chine est un pays où il n’y a pas de corruption systémique. C'est-à-dire qu’il y a une énorme corruption mais par rapport à d’autres pays il n’y a pas une pratique du bakchich systématique pour avoir une licence, pour enregistrer une société etc. On peut tout à fait sans avoir le moindre faux frais, enregistrer une société ou même établir une usine en Chine et la faire fonctionner.
Ensuite, la corruption est plus subtile. Dans le sens où il existe des fonctionnaires qui vont utiliser le prétexte de la conformité avec la législation, qui est quand même extrêmement étendue maintenant, pour faire comprendre que le problème peut s’arranger d’une façon ou d’une autre. Mais la corruption sera toujours entre amis. C’est pour cela que nous ne la voyons pas. Un chinois corrompu ne va accepter de recevoir une gratification que de la part de quelqu’un qu’il connait. Le fonctionnaire risque beaucoup, il y a des enquêtes anti-corruption fréquentes, mais elles ne font pas baisser la corruption.
De quelle liberté d’expression disposez-vous en Chine en tant qu’avocat étranger ?
Il y a une espèce de pacte conclu entre le régime et la population urbaine qui consiste à dire : vous avez la possibilité de vous enrichir à partir du moment où vous ne remettez pas en cause les quelques fondements du régime qui sont le parti unique et l’organisation politique ; mais pour tout le reste nous vous laissons des libertés que vous n’avez jamais connues auparavant dont la liberté d’expression à partir du moment où elle reste dans la sphère privée.
Aujourd’hui, il est possible de parler de tout avec des Chinois à partir du moment où cela reste dans une sphère privée.
Je sais que les autorités chinoises ont un dossier sur moi, je sais qu’elles collectionnent sans doute les articles que je peux écrire sur le droit chinois, sur la pratique chinoise etc. Je suis surveillé parce que j’y suis depuis longtemps. Néanmoins, le fait d’être étranger me protège un peu, je dispose d’une liberté d’expression dans ma langue nationale."
Vous avez exercé votre profession d’avocat en France et en Chine. Quelles différences avez-vous remarquées dans votre pratique ?
" En Chine, tout se pose différemment. La pratique est forcément différente. Le droit chinois est un droit jeune qui ne reste pas très sophistiqué. Et l’intérêt d’exercer ce métier en Chine, c’est que le droit est une construction récente dans la tradition chinoise. En tant qu’avocat étranger nous suivons donc l’évolution du droit finalement au même rythme que nos confrères chinois.
En tant qu’avocat d’affaires en Chine, nos conseils reposent beaucoup, en dehors de notre connaissance du marché, sur une espèce de sentiment par rapport à tel problème ou à telle situation. Nous passons finalement beaucoup de temps à réfléchir à la structuration d’investissements dans des secteurs qui ne sont pas assez segmentés. A nous de faire preuve de souplesse et d’« imagination » juridique qui s’expliquent par l’écart manifeste entre le droit écrit, la réglementation et puis la pratique. Certaines pratiques sont tolérées par les autorités alors qu’elles contreviennent à des réglementations existantes. D’autres réglementations, plus anciennes, n’ont jamais été rapportés et ne sont pas non plus appliquées, mais les autorités laissent faire pour regarder comme cela se passe.
Existe-t-il une réelle profession d’avocats d’affaires en Chine ?
Beaucoup d’avocats locaux sont sans beaucoup d’illusions sur le système juridique chinois, puisque nous sommes dans une dictature avec un gouvernement qui dit que l’état de droit existe déjà en Chine. En réalité non. Nous restons dans un pays dirigé par un parti unique et qui n’a pas encore mis en place les conditions de l’état de droit, c'est-à-dire que le parti n’a pas l’intention de lâcher son emprise notamment sur le système judiciaire. Il n’y a donc pas d’Etat de droit au sens où on l’entend. Nous remarquons ces dernières années, en Chine, des problématiques liées à une urbanisation galopante, un développement très rapide. Tout cela donne lieu à des tensions et le système judiciaire est rarement capable de les calmer car elles sont inévitables dans un pays qui se développe rapidement. Le système judiciaire n’est, néanmoins, pas assez indépendant et efficace pour calmer ces tensions.
Est-ce que pour autant il n’y a pas de progrès ? Cela c’est une autre question. Il y a eu énormément de progrès mais je pense qu’on arrive un peu aux limites de la souplesse permise par ce système politique.
La profession d’avocat attire de plus en plus car c’est socialement un bon métier assez rémunérateur. Cependant, cela reste une profession d’avocat d’affaires, car ils se refuseront à prendre des dossiers soient non rémunérateurs (tout ce qui est civil et pénal) ou soient qui pourraient entraîner des problèmes pour eux
Dès que les affaires deviennent un peu sensibles, cela peu devenir délicat pour un avocat de prendre le dossier. Ce qui fait qu’il y a une segmentation qui s’est faite avec des avocats individuels ou qui exercent dans des cabinets de tailles petites ou moyennes qui s’occupent d’affaires commerciales, civiles ; des cabinets chinois qui n’interviennent que dans le droit des affaires pour une clientèle d’entreprises chinoises ou étrangères qui ne touchent pas au reste ; et puis il y a un tout petit segment « les avocats défenseurs des droits » qui prennent des risques mais il y en qu’une poignée. Ces derniers ont envie de faire bouger les lignes de tester le système au maximum.
Pouvez-vous exercer votre métier en dehors de la corruption ?
En tant qu’avocat étranger, oui sans aucun problème. La Chine est un pays où il n’y a pas de corruption systémique. C'est-à-dire qu’il y a une énorme corruption mais par rapport à d’autres pays il n’y a pas une pratique du bakchich systématique pour avoir une licence, pour enregistrer une société etc. On peut tout à fait sans avoir le moindre faux frais, enregistrer une société ou même établir une usine en Chine et la faire fonctionner.
Ensuite, la corruption est plus subtile. Dans le sens où il existe des fonctionnaires qui vont utiliser le prétexte de la conformité avec la législation, qui est quand même extrêmement étendue maintenant, pour faire comprendre que le problème peut s’arranger d’une façon ou d’une autre. Mais la corruption sera toujours entre amis. C’est pour cela que nous ne la voyons pas. Un chinois corrompu ne va accepter de recevoir une gratification que de la part de quelqu’un qu’il connait. Le fonctionnaire risque beaucoup, il y a des enquêtes anti-corruption fréquentes, mais elles ne font pas baisser la corruption.
De quelle liberté d’expression disposez-vous en Chine en tant qu’avocat étranger ?
Il y a une espèce de pacte conclu entre le régime et la population urbaine qui consiste à dire : vous avez la possibilité de vous enrichir à partir du moment où vous ne remettez pas en cause les quelques fondements du régime qui sont le parti unique et l’organisation politique ; mais pour tout le reste nous vous laissons des libertés que vous n’avez jamais connues auparavant dont la liberté d’expression à partir du moment où elle reste dans la sphère privée.
Aujourd’hui, il est possible de parler de tout avec des Chinois à partir du moment où cela reste dans une sphère privée.
Je sais que les autorités chinoises ont un dossier sur moi, je sais qu’elles collectionnent sans doute les articles que je peux écrire sur le droit chinois, sur la pratique chinoise etc. Je suis surveillé parce que j’y suis depuis longtemps. Néanmoins, le fait d’être étranger me protège un peu, je dispose d’une liberté d’expression dans ma langue nationale."