Coupe du Monde, ce qu'en pensent les avocats
Quatre avocats brésiliens détaillent le marché économique local et donnent leur sentiment sur la Coupe du Monde de Football qui aura lieu en juin prochain.
Quels sont les avantages et inconvénients du marché brésilien ?
Jean-François Teisseire, associé du cabinet Pacheco Neto Sanden Teisseire : A mon sens, la seule raison valable de venir s’installer au Brésil est son marché interne et peut être aussi le marché sud américain (Argentine, Chili etc). Il ne faut pas compter sur le Brésil pour délocaliser son entreprise, c’est aussi cher qu’en France. Aujourd’hui un cadre supérieur brésilien gagne beaucoup plus qu’un cadre supérieur français. Les charges sociales sont pratiquement au même niveau de la France.
Paulo Brancher, associé du cabinet Barretto Ferreira e Brancher : Même si le Brésil n’est pas un pays très tranquille en terme d’ambiance d’affaires, il existe des règles, des institutions juridiques et gouvernementales qui permettent aux entreprises de se projeter et d’avoir de vrais retours sur investissements. Nous sommes un pays en développement fiable pour d’éventuels investisseurs. Cependant, nous avons encore beaucoup de progrès à faire notamment en matière d’infrastructures. Les domaines les plus porteurs pour investir sont ceux des infrastructures, des transports et des ports. Nous avons une dimension de pays exportateur mais nous n’avons pas les infrastructures nécessaires pour être à la hauteur.
Wassila Medjahdi Martins, avocate, cabinet Sicherle Advogados : Venir s’installer au Brésil c’est saisir une opportunité. Il est encore possible de grandir très vite, et de devenir riche. Comme disent les hommes d’affaires brésiliens "the sky is the limit". C’est un pays du présent. Cependant, le Brésil vous donne des opportunités mais aucune sécurité. Demain vous pouvez faire faillite. Ce sont les Etats-Unis en Amérique du Sud. Le Brésil est très copier coller du modèle américain. Les structures de société sont un peu des structures américaines et vous êtes sur un bouton éjectable à n’importe quel moment. La concurrence est très forte, le Brésil n’est pas un eldorado.
Philippe Boutaud-Sanz, avocat, cabinet Chenut Oliveira Santiago : Le Brésil est un pays à culture facilement assimilable notamment pour les sociétés françaises. La diversité culturelle du Brésil permet que n’importe qui venant de n’importe quel pays peut réussir car il existe un marché pour tout et pour tout le monde. Cette carence d’infrastructures est à la fois un handicap pour le pays mais une opportunité pour les entreprises de ce domaine.
La Coupe du Monde de football est-elle, selon vous, une réelle opportunité économique pour le Brésil ?
Jean-François Teisseire : Au vu des millions de réal qui ont été injectés alors que nous ne possédons pas d’écoles publiques et d’hôpitaux de qualité,cela n’était vraiment pas la priorité. En dehors de cet événement, nous comptons en moyenne, dans les stades brésiliens, au pays du football, 2 à 3000 personnes maxima. Nous sommes loin des 40 000 places prévues par stades. Une fois la Coupe du Monde terminée que vont devenir ces infrastructures ? L’exemple le plus flagrant de gâchis est le stade de Brasilla, qui a coûté deux fois plus cher que le Stade de France, alors que l’équipe de la ville n’est qu’en deuxième division. Sans parler du prix des billets des matchs de la Coupe qui sont inaccessibles pour la plupart des brésiliens.
Wassila Medjahdi Martins : Le Brésil n’est absolument pas prêt ! Cela serait se voiler la face de dire que nous sommes prêts. J’espère, j’aimerai vraiment que le gouvernement brésilien se réveille, que le peuple se réveille par rapport au gouvernement que nous avons aujourd’hui. Il est nécessaire que les brésiliens comprennent, ce qu’ils ont commencé à faire lors des manifestations à Sao Paulo l’année dernière, que la corruption est trop présente et qu’il n’y a aucune organisation. Malheureusement, je crois que c’est avant tout culturel et que cela ne changera pas. Il ne faut pas oublié que le Brésil ce n’est pas que Rio de Janeiro et Sao Paulo, c’est 26 états soit 16 fois la France.
Paulo Brancher : L’organisation de cette Coupe du Monde est une réelle opportunité pour le pays, mais nous constaterons surement de gros problèmes de logistiques. Cependant, si vous me demandez personnellement si je suis heureux d’avoir la Coupe du monde, la réponse est non. Les investissements sont complètement fous ! Il y avait d’autres priorités.
Philippe Boutaud-Sanz : Oui, cette Coupe du Monde est une réelle opportunité pour le pays. L’impact économique est peut être moins grand que ce que nous aurions pu espérer mais il en existe tout de même un. Le poids de la bureaucratie a freiné les investisseurs. Sans cette bureaucratie cela aurait pu être beaucoup plus positif.
Quel impact la Coupe a t-elle eu sur le chiffre d’affaires de votre cabinet ?
Jean-François Teisseire : Cela nous a apporté très peu de clients. Je ne peux pas dire que cela a boosté notre chiffre d’affaires.
Paulo Brancher : Nous en avons eu quelques uns dans le domaine de la logistique et de l’accueil des touristes. Cela n’a pas eu d’impact spécifique sur notre chiffre d’affaires. Nous avons eu quelques questions ponctuelles dans les domaines de la propriété intellectuelle, des brevets mais pas de projets d’infrastructures, de constructions de stades par exemple.
Wassila Medjahdi Martins : Le cabinet conseille l’un des sponsors de la Coupe du Monde et des Jeux Olympiques. Nous avons mis en place, pour lui, tous les contrats de sponsoring depuis 4 ou 5 ans : propriété intellectuelle, franchise, revente, distribution, constitution d’une filiale de cette marque au Brésil etc.
Philippe Boutaud-Sanz : Nous avons quelques clients qui sont venus à cause de la Coupe du Monde en effet. Notamment des sociétés liées aux BTP, aux équipements sportifs pour les stades, à la construction d’hôtels etc. En ce qui concerne nos clients de d’habitude, cela n’a pas changé grand chose. Ce sont vraiment des sociétés spécialisées, qui sont venus uniquement pour ces questions.
Article publié le 30 avril 2014, sur le site du Monde du Droit